Castlevania Curse of Darkness: l'impasse

 L'apanage des grandes séries, c'est de savoir évoluer au fil du temps et des modes. Parfois très doucement et de façon linéaire, comme par exemple les Dragon Quest qui ont très longtemps eu une approche conservatrice d'un épisode à l'autre, mais parfois certaines séries ont pu connaitre des évolutions très marquées, comme la série des Rockman avec de l'action 2D et 3D, des Action-RPG ou différents protagonistes au fil des épisodes.

La série des Akumajou Dracula, mieux connu sous le nom de Castlevania hors du Japon, ne fait pas exception à la règle elle qui s'étale sur près de 34 années. Bien que Konami ne se soit jamais réellement éloigné d'un style de jeu action mâtiné d'aventure et de plateforme, la formule a connu nombre d'adaptation. La plus marquante date de la sortie de Symphony of the Night en 97 sur Playstation, qui marque l'adoption et par la même la création du sous genre du Metroidvania.

Cette branche de gameplay va particulièrement s'épanouir sur console portable, 3 jeux sur GBA et 3 jeux sur DS suivront ce modèle de gameplay. Mais sur console de salon Konami va décider de prendre une autre voie en adoptant la 3D, en commençant avec le Castlevania de la Nintendo 64. Suivirent un deuxième épisode sur la 64 bits de Nintendo, puis une première incursion sur PS2 avant d'arriver à Curse of Darkness.

Il est important de reprendre l'historique de cet embranchement dans la série car il est majeur dans son évolution. On peut aisément deviner que pour Konami en cette fin des années 90 la 2D est considéré comme obsolète, et Symphony of the Night malgré d'excellente critique a mis du temps à trouver le succès commercial. La décision d'orienter ce style de Castlevania vers les consoles portables correspond d'une certaine façon à une "rétrogradation" mais aussi un moyen de profiter du statut de jeu culte qui se créait autour de SotN, avec pour preuve les bons résultats critiques et commerciaux des épisodes GBA et DS. Mais pour les consoles de salons, il faut marquer les esprits et pour cela ouvrir l'univers de la famille Belmont à la 3D, c'est d'ailleurs le choix effectué par la majorité des grandes sagas vidéoludiques à cette époque, soit tu passes en 3D... soit tu meurs!

Et c'est aussi un grand classique de cette "obligation" de passer en 3D, il faut réussir à transcrire l'ADN d'un jeu 2D dans un tout nouveau fonctionnement. Et cela ne sera pas chose aisé. Les deux épisodes 64 sont en fait le même jeu sorti en deux fois en 99 avec moins d'une année d'écart pour cause de retards dans le développement, ils peuvent donc être rétrospectivement considéré ensemble. Ce premier effort en 3D est d'une certaine façon un retour en arrière, puisque le déroulement est bien plus proche des épisodes classiques avec une grande emphase sur la plateforme et l'action et tout l'apport Métroidvania est balayé. Mais le gameplay doit par contre s'adapter à un univers en 3D, et l'on sent bien la difficulté des équipes techniques à maitriser les systèmes de caméra et de lock. Le résultat est plutôt bon, sans toutefois être transcendant, et l'on sent bien dès la sortie de Legacy of Darkness que le passage à la 3D ne se fait pas sans difficulté, d'autant plus que le statut culte de SotN continue de se développer.

Il faudra attendre jusqu'en 2003 pour qu'un nouveau Castlevania arrivent sur console de salon, cette fois ci sur PS2, avec pour la première fois à la direction d'un épisode 3D Koji Igarashi. L'objectif est simple, réussir enfin à transcrire la force du gameplay des Castlevania 2D développé par IGA dans un épisode majeur en 3D. Tentative avec un résultat mitigé qui nous amène enfin en 2005 à la sortie de Curse of Darkness sur PS2. Ce 4éme épisode 3D arrive après plusieurs tentatives qui furent juger satisfaisante lors de leurs sorties respectives, mais quand même décevantes. Elles n'ont pas eu l'impact que l'on aurait pu imaginer pour des jeux d'une série aussi célèbre. A tel point que les épisodes "mineurs" sur portable prennent clairement l'avantage sur les sorties consoles mais aussi que la marque Castlevania commence à doucement péricliter. Les previews posent la question simplement, est il possible d'avoir un Castlevania 3D qui soit aussi convaincant que SotN à son époque et qui permettent de redonner du lustre à la saga.

Il est enfin temps de rentrer dans le vif du sujet et d'aborder la cas Curse of Darkness. On comprend très rapidement qu'IGA et son équipe ont allégrement piocher dans ce qui a pu faire le succès de SotN. A commencer par son héros! Le mythique Alucard ne revient pas sur le devant de la scène, mais Hector et sa chevelure argentée évoque immédiatement la beauté androgyne du fils de Dracula. On retrouve d'ailleurs avec délectation le style baroque de Ayami Kojima. Mais au delà du design c'est surtout l'ensemble du gameplay Metroidvania qui est repris pour la première fois dans un épisode 3D. La touche RPG est assuré par la possibilité de monter en niveau de Hector, et bien sur on retrouve une grande map à explorer où toutes les différentes parties sont interconnectées.

 Alors ça y est on le tient notre SotN en 3D?! Oui mais seulement partiellement, et cela montre la très grande difficulté de reprendre un style de jeu adapté à la 2D pour le passer en 3D. Parce que si les ingrédients sont quasiment tous présents, la sauce ne prend pas aussi bien. D'abord parce qu’il manque un point important, la partie plateforme, qui a été quasiment abandonnée dans cet épisode. Au lieu d'avoir des zones demandant de la dextérité, on retrouve de long couloir ennuyeux à parcourir et qui ne laisse finalement que peu de place à la découverte, à part une brèche par ci ou un mur à casser par là. L'exploration qui fait aussi le sel de ce type de jeu est bien plus réduit. Idem pour les combats, dans les épisodes 2D ils sont rapides et plutot dynamiques, mais ici on a affaire à un gameplay de Beat them up 3D. Il n'est pas mauvais, mais il a tendance a être un peu brouillon et pataud comparé à ces illustres prédécesseurs.

 Le résultat c'est qu'on enchaine les combats tout en arpentant des décors un peu trop vide et un peu trop terne. Et encore pire, quand il est nécessaire de fouiller un peu les maps pour trouver les zones secrètes, cela devient assez rapidement lassant. Mais le jeu réussit tout de même à conserver un attrait pour la progression grâce à des ajouts de gameplay intéressants. Hector est un forgeron maléfique et à ce titre peut créer une multitude d'arme différente, pour cela il est nécessaire de récupérer divers matériaux soit dans le jeu, soit en tuant des ennemis ou alors grâce à un système de vol. Cela permet d'avoir différents types d'armes à utiliser, lances, épées ou haches qui se manipulent à deux mains, elles sont lentes mais puissantes et permettent de tailler dans la masse des ennemis, ou alors d'utiliser des épées ou armes de poings, rapides et propices au combos. Il existe par ailleurs des armes spéciales qui sont plus un gimmick comique que réellement efficace (une guitare, un boomerang, etc..) mais qui permettent de débloquer d'autres armes. Parce que là aussi le plaisir de la recherche et de la complétude joue son rôle et on peut passer pas mal de temps à rechercher le matériel manquant ou nouveau pour obtenir un nouvel objet.

La deuxième grande nouveauté ce sont les Innocents Devils, qui sont des démons contrôlés par l'IA et qui accompagne Hector. Ils en existent différents types, plus porté sur l'attaque, le soin ou la magie. Ils donnent un bonus de statistique au personnages et combattent à ces cotés. Il est également possible d'utiliser différents sorts dans les combats, ainsi que de capacités spéciales qui permettent d'atteindre des endroits bloqué autrement. Ils servent ainsi au combat et à l'exploration. Il est possible pour chacun des archétypes de les faire évoluer vers de nouvelles formes, qui débloque de nouvelles capacités. On passe ainsi pas mal de temps à faire évoluer son innocent devil, comme un Pokemon au final, afin de débloquer les 100% de l'exploration.

Je suis passé rapidement sur la partie gameplay combat, mais c'est quand même plutôt réussi dans l'ensemble. Elle ressemble d'ailleurs à ce que propose les Dynasty Warriors avec un bouton d'attaque qui permet de réaliser des enchainements et un bouton d'attaque de finition qui permet de terminer le combo en cours avec une attaque puissante. Chaque type d'arme et parfois les armes en elle même propose différents combos. Il est également possible de réaliser des esquives qui donne un petit moment d'invincibilité, ainsi que de réaliser un blocage, voir s'il est réaliser dans le bon timing de stopper net l'attaque ennemi. Si le système est sympa, je lui reprocherai deux choses qui l’empêche de donner sa plénitude, cela manque de vivacité et de punch permettant de donner un réel impact et en corolaire l'ensemble est trop brouillon, que cela soit le système de lock, de caméra ou les déplacements.


J'ai titré mon texte l'impasse, pour une raison toute simple finalement. Curse of Darkness est le dernier Castlevania réalisé en 3D par Konami en interne. Bien qu'il s'agisse d'un bon jeu d'action, et que la critique l’accueilli convenablement, on ne peut pas dire que cet épisode ait réellement  soulevé un enthousiasme délirant. Comme l'ensemble des épisodes 3D finalement qui n'ont jamais réussi à réellement trouver une identité propre. Il y a toujours eu la volonté de se rattacher à un épisode précédent sans jamais chercher à créer une nouvelle grammaire de jeu spécifique à son nouvel environnement. Et encore une fois CoD est un bon jeu avec des idées intéressantes, mais il ne réussit pas à aller au bout de ce qu'il essaie. Ce n'est pas un bon Metroidvania, mais ce n'est pas non plus un bon beat 3D. Et la mélange proposé, s'il est intéressant, ne devient malheureusement pas un grand jeu d'action 3D. 

La série est a tel point dans l'impasse qu'il fallut attendre 2010 et la sortie sur PS3 de Lords of Shadow par les espagnols de Mercury Steam pour revoir un Castlevania renouer avec le succès.  Et pourtant après un deuxième épisode en 2014 la série repart sous l'éteignoir, et on attend toujours un nouvel épisode en 2021. Alors que les Metroidvania se multiplie sur différents supports, particulièrement dans le jeu indé, IGA a du quitter Konami pour lancer une suite spirituelle. 

Mais la saga est loin d'etre fini, et pas plus tard que le 06 avril 2021 Konami a déposer à nouveaux le nom Akumajou Dracula, un retour de la série au premier plan... Ou Konami qui veut simplement continuer à faire vivre sa licence par des sorties des anciens jeux... Rappelez vous Dracula ne meurt jamais.

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