RETROSPECTIVE #1: ZOOM (ズーム)
Créée en mai 1988 à Sapporo par Akira Sato, Zoom est un développeur japonais qui a essentiellement officié pendant les années 90. A peu de chose près, je viens de faire le résumé quasi exhaustif des informations que l'on peut trouver sur le net en français... Finalement presque rien.
Et ce n'est pas si exceptionnel au sujet de petit développeur japonais pour lesquelles les sources d'informations sont plus que parcellaires même sur le net nippon. Mais avec de la persévérance et un peu de chance, il est possible de faire des découvertes inintéressantes que je vais partager afin d'avoir enfin un historique de ZOOM pour le web francophone.
Comme je le disais, le début de l'histoire remonte à l'année 1988 à Sapporo, capitale de la préfecture d'Hokkaido. La grande agglomération septentrionale n'est pas inconnue du monde vidéoludique, elle a vu naitre dès la fin des années 70 de grandes entreprises comme Hudson Soft, dB-Soft, ou encore Micronet, un terreau favorable au jeu vidéo. ZOOM est crée par un homme, Akira Sato (佐藤明), et les premiers locaux de l'entreprise seront installés dans son appartement. Des débuts modestes mais un objectif ambitieux: développer sur Sharp X68000! Commercialisé en 1987, le micro-ordinateur de Sharp est tout simplement ce qui se fait de mieux à l'époque en terme de puissance brute et de qualité. Aucun ordinateur ne peut rivaliser que ce soit au Japon ou dans le reste du monde. Les 16 bits qui arriveront après seront incapable de rivaliser avec le X68. Il servira aussi de base à Capcom pour développer le CPS-1 pour l'arcade, ce qui permettra des adaptations des jeux du système en quasi pixel-perfect. Mr Sato sera le producteur pour la quasi totalité des jeux de ZOOM et il est encore aujourd'hui le dirigeant de l'entreprise. S'il démarre seul, il réunit autour de lui une petite équipe pour développer le premier jeux du studio. Une équipe qui comme lui, n'a aucune expérience dans le développement d'un jeu. Pourtant en juillet 1989 soit à peine plus d'un an après sa création sort le premier jeu de Zoom, Genocide.
Genocide est un jeu d'action à scrolling horizontal où l'on dirige un robot. Techniquement c'est une réussite à tous les niveaux qui marque les joueurs de l'époque malgré une jouabilité un peu "délicate" surtout quand on y rejoue de nos jours... Le jeu est ainsi nommé 4éme meilleur jeu de l'année 89 par le magazine japonais spécialisé Oh!X.
Premier jeu, première réussite. ZOOM va continuer sur sa lancée en sortant 4 autres jeux sur X68000 en s'essayant à d'autres genres. En 1990, le studio s'essaye à l'action RPG avec Lagoon, qui laissera un souvenir moins impérissable. C'est un jeu correct mais peut être beaucoup trop proche de Ys et sans qualité qui le démarque réellement pour laisser une marque forte sur les joueurs. En 1991, c'est sur un Shmup que l'équipe se lance et sort Phalanx. C'est un de mes jeux préféré de ZOOM, le design est vraiment sympa, et les graphismes sont de très haut niveau, le tout rehausse par une bande son géniale. La même année, c'est une suite de leur premier succès qui marque à nouveaux les esprits avec Genocide 2. C'est le même mais en beaucoup mieux à tous les niveaux, et une nouvelle réussite. Enfin le dernier jeu de ZOOM sur X68000 sorti en 1992 sera un jeu de formule 1, Over Take. C'est un des jeux les plus marquants pour les fans de l'époque, c'est un des tout premiers jeux à avoir la licence officielle ce qui permet d'avoir toutes les écuries et les pilotes de la saison, et il est également considéré comme la quintessence du savoir faire technique des développeurs sur l'ordinateur de Sharp. On peut considérer que c'est l'age d'or pour ZOOM, celle qui va marquer sa fanbase, grâce à des jeux techniquement irréprochables et une patte bien particulière, original et un peu irrévérencieuse. La mascotte du studio, Neko, est présente dans tous les jeux. Dans les notices, on trouve quelques pages sous forme de mangas. Beaucoup de petits détails qui forgent une personnalité.
La suite de l'histoire va se passer sur console, avec d'abord l'adaptation de ses hits du X68 sur Super Famicom avec l'aide de KEMCO. En 1991, Lagoon est adapté par ZOOM et distribué internationalement par KEMCO, l’accueil est plutôt froid pour un A-RPG peu original sur ordinateur et qui a subi une baisse technique pour sortir sur console. En 1992, c'est au tour de Phalanx de connaitre une sortie internationale sur Super Famicom, même constat que pour Lagoon, le jeu perd de sa superbe en passant sur console et a du mal à se démarque... Sauf aux USA à cause d'un artwork immensément débile sur la boite du jeu, le fameux grand père joueur de Banjo.
La série la plus célèbre de ZOOM connaitra des adaptations consoles, le premier sur PC Engine CD-Rom développé et édité par Brain Grey en 1992 (une franche déception) et le deuxième encore une fois édité par KEMCO mais avec Bits Studio à l'adaptation sur Super Famicom en 1994 (là aussi déception à l'arrivée). De son coté ZOOM sort en 1993 sur FM Towns une compilation des deux Genocide dans une version amélioré, il s'agit tout simplement de la version ultime, surtout pour le premier de la série.
ZOOM va ensuite crée avec Imagineer une entreprise nommée... Imagineer ZOOM. 3 jeux sortiront sur ce label en 93 et 94, qui utilisa la mascotte Neko mais renommée Dolucky, pour un jeu de baseball, un jeu de foot et enfin un puzzle-game avant que la collaboration ne s’arrête. Sur le site officiel de ZOOM, Akira Sato fait part de sa "déception" au sujet de ces projets et semble mettre en cause le manque de soutien d'Imagineer. Ce dernier sortira un dernier jeu sur PICO utilisant Dolucky (Unou Kaihatsu Series 8 Dolucky no Oekaki House), surement pour utiliser jusqu'au bout la mascotte crée.
Une nouvelle étape va commencer avec l'entrée dans la danse de Sony, qui va contacter le studio pour lui demander de travailler sur la future Playstation. En 1995, Zero Divide sort sur la console de Sony. Il s'agit d'un jeu de combat en 3D mettant en scène des robots (la patte ZOOM) avec un gameplay proche de Virtua Fighter (LE jeu du moment). C'est une nouvelle réussite à la fois critique et commercial. Le jeu est plébiscité pour la qualité de sa 3D (un sacré tour de force pour le premier jeu de ce type de l'équipe), un design original, et une bande son techno tonitruante. Le gameplay est classique, typée Virtua Fighter, mais efficace. Zero Divide connaitra aussi une sortie internationale (par Océan en Europe et Warner aux USA). Sur sa lancée, ZOOM se voit confier l'adaptation du Rurouni Kenshin par Sony sur Playstation pour réaliser un jeu de combat en 3D. Le résultat est décevant et très clairement en dessous de Zero Divide. Qui va d'ailleurs connaitre une suite en 1997 avec Zero Divide 2. Arrêtons nous sur le développement de cette suite et profitons d'une interview donné par le staff à Game Hiyou (ゲーム批評) un magazine japonais indépendant.
Nous retrouvons Akira Sato, ainsi que Masakazu Fukuda (福田正和) designer sur ce jeu et graphiste sur la totalité des jeux ZOOM de Genocide jusqu'à Super Speed Racing en 1999. Je pense pouvoir affirmer que ce sont les deux personnalités principales du studio. L'interview évoque le développement de Zero Divide 2 qui a pris plus de temps que prévu car le gameplay et l'animation ont été totalement revu. Akira Sato n'était pas satisfait de la première version trop proche du premier épisode et qui ne pouvait pas rivaliser avec les sorties du moment. L'interview bascule rapidement sur la façon de travailler chez ZOOM. C'est une petite entreprise avec une organisation horizontale, chacun travaille de son coté sans réelle planning et prend des décisions individuelles. C'est Akira Sato qui a un rôle de producteur et de superviseur pour décider si la production va dans le bon sens. Pour lui, ZOOM est un studio qui est plutôt axé sur la technique avec une volonté de garder du plaisir et un certain fun dans le travail. L'intervieweur pose la question sur la difficulté de rentrer dans l'équipe, qui semble peu ouverte sur l’extérieur, ce qui entraine une réponse amusé des deux interviewés: "on est pas une très bonne entreprise!". L'accent est mise sur la capacité d'adaptation des nouveaux. Ils comparent leur fonctionnement à celui d'un maitre sushi, l'apprenti doit suivre et étudier ce que fait le cuisinier et poser des questions pour développer son travail et il ne doit pas attendre qu'on lui explique ce qu'il doit faire. A lui d'être indépendant et capable de progresser avec les conseils de son tuteur. Akira Sato raconte une petite anecdote, un nouvel embauché est parti le jour même après qu'on lui ai mis un magazine de petit travail sur son bureau, comprendre "vous ne faites pas l'affaire".
Malheureusement Zero Divide 2 ne connaitra pas une réussite à la hauteur de son prédécesseur, jugé un peu dépassé par ce qui se fait par la concurrence. Le jeu sera édité seulement en Europe par Sony. La même année sort une version Saturn intitulée Zero Divide - The Final Conflict. C'est la première incursion de ZOOM sur une console Sega. Une interview pour la sortie du jeu est publié dans Sega Saturn Magazine, avec encore une fois Akira Sato, Masakazu Fukuda et Tetsuya Tagawa main programmer sur ce Zero Divide. Lors de la petite introduction sur ZOOM, c'est Genocide et Over Take qui sont cités en tant que jeux emblématique du studio.
Et pas la dernière puisqu'en 1999 sort Super Speed Racing sur Dreamcast réalisé sous la supervision de Sega. C'est une simulation de monoplace avec la licence officielle CART. Le jeu est abondamment présenté dans les magazines officiels Dreamcast japonais mais sans citer ZOOM. Les chiffres de ventes seront corrects au Japon... pour un jeu Dreamcast! Une version américaine est logiquement sorti à la rentrée 99. Il s'agit de la deuxième simulation de course du studio, le résultat est correct sans non plus faire trop de vague, on notera une sensation de vitesse plutôt sympa.
ZOOM retourne ensuite chez Sony pour accompagner les premiers mois de la Playstation 2 en 2001 avec Ka (moustique en japonais) une très originale simulation de... moustique. Le jeu avait été repéré dans les salons lors de sa présentation pour son principe loufoque, et il a connu une certaine réussite commerciale en dépassant les 100 000 ventes au Japon. Des sorties européennes et américaines seront assurées par Eidos mais apparemment sans grand succès. La même année, ZOOM renoue avec Kemco pour un jeu de commande sur le parc Universal Studio sur Gamecube. Un jeu de bien piètre qualité malheureusement. Ka 2 sortira en 2003 toujours sur Playstation 2 mais restera cette fois cantonné au Japon.
A cette date, ZOOM a près de 15 ans d’existence mais va connaitre un tournant dans son histoire. Ka 2 est en effet le dernier jeu d'envergure sur console produit par le studio de Sapporo. Il y a un trou d'air important dans l'activité du studio, à tel point que lors d'une mise à jour du site officiel un FAQ répond à une question insistante: Le studio est il encore en activité? Oui répond Akira Sato. Mais le développement va se concentrer sur l'utilisation des anciennes licences. En 2003, la série des Genocide et Phalanx sortent sur ProjectEgg une plateforme japonaise en ligne de jeux rétro. A partir de 2005 débute le développement sur téléphone portable Vodafone en ressortant les jeux Doralucky de l'époque Imagineer Zoom, Genocide et des jeux de poker. En 2007 c'est pour Softbank que les même jeux sont adaptés avec Phalanx en complément. Le site officiel liste également un jeu Nintendo DS intitulé Fujinomori Let's Tarot en 2007 et édité par ASNetworks, ce qui en fait l'unique jeu sur console portable de ZOOM.
En 2009 ZOOM lance deux nouveaux jeux sur WiWare et fête par la même occasion ses 20 ans, il s'agit de Fantastic Tambourine et Fantastic Cube. Ce sont des puzzle-game à destination des enfants. Phalanx ressort également sur WiiWare. Le studio va ensuite proposer Zero Divide 1 et 2 sur le PSN en 2010 pour PSP et PS3. Enfin en 2018, ZOOM refait parler de lui en sortant Chronicle Gate sur smartphone, un match 3 des plus classique. Le hiatus de 8 ans semble avoir été comblé par un autre projet tourné vers l'audio avec Terminus qui est une division de ZOOM consacré à l'audio et Prominy une entreprise dédié aux logiciels professionnels de musiques.
Nous sommes en 2020 et pas de projet connu centré sur les jeux vidéo, ZOOM semble s'être de plus en plus orienté vers d'autres activités.
En conclusion, je voudrais évoquer l'une des très grandes forces de l'industrie vidéoludique japonaise à savoir sa grande diversité. De très grands acteurs provenant du monde de l'arcade, des entreprises de toutes tailles développant sur le marché des consoles et un monde de l'informatique avec une grande liberté. Le résultat, des tonnes de jeux et une originalité formidable. ZOOM est une de ses petites entreprises qui a su donner une véritable identité à ses productions tout en gardant une taille réduite, limite artisanale.
Dans la production occidentale de 2020, on parlerait d'indies (mais il faudrait un peu plus de "style personnel" pour les rendre bankable) pour ce type de société. Malheureusement, on a plutôt tendance à oublier ces créateurs, j’espère que ce petit article permettra de garder une trace de leur travail et peut être donner envie à certain de se plonger dans leur ludothèque. Moi j'y ai pris un grand plaisir.
Enfin en bonus, les photos de Akira Sato et Masakazu Fukuda puisqu'il est difficile de mettre la main dessus sur le net.
Akira Sato 佐藤明 - Masakazu Fukuda 福田正和 |
Et finalement, un panorama en timeline des différents jeux sortis jusqu'en 2003, avec les jaquettes à chaque fois.
Commentaires
Enregistrer un commentaire